dimanche 18 octobre 2009

Dominique et les textos

Chaque semaine, on nous rebat les oreilles de ce constat, assené comme une évidence : « les jeunes » ne savent plus écrire en français correct, avec tout ce que cela implique comme difficultés pour s’insérer sur le marché de l’emploi. Les coupables sont tous désignés : l’internet, les forums, msn, Twitter et, last but not least, les sms (ou textos, pour les Français qui me lisent.) Mais, méfions nous des évidences.

449px-Villepin Elevés au biberon des nouvelles technologies, habitués à taper frénétiquement de courts messages à la sauvette en langage phonétique, les « djeuns » ne seraient plus capables de former des phrases complètes, encore moins de rédiger sans faire de fautes d’orthographe. En somme, le digital aurait tué l’écrit. Cette idée est pourtant battue en brèche par une étude récente qui démontre qu’au contraire, on n’a jamais autant écrit, ni autant lu, même si, comme le soulignait à juste titre Hugues Serraf, on le fait différemment, devant un écran, ce qui a tendance à fausser les statistiques. Signe des temps, on gagne en efficacité et en public potentiel ce qu’on perd en poésie.

Au-delà de la bonne dose de mauvaise foi nécessaire pour voir dans les nouvelles technologies la sources de tous nos maux, on peut effectivement s’interroger sur la pertinence de composer des textos en langage phonétique. Ces derniers reposent sur une double exigence de concision et de rapidité : chaque caractère doit donc justifier sa présence, sous peine de voir sa facture téléphonique gonfler inutilement. Plutôt que d’assimiler cela à un piétinement volontaire des règles de notre belle langue française, il faut donc avant tout y voir une preuve de pragmatisme. Du reste, chacun est libre d’agir comme il l’entend, et ma clémence ne m’empêchera pas de continuer à rédiger mes sms en toutes lettres.[1]

A l’inverse, je serai beaucoup moins tolérant pour celui ou celle qui, dans ces colonnes, s’emmêle les pinceaux dans l’accord du participe passé, alors qu’il a tout le temps de choisir ses mots et, le cas échéant, de se corriger.[2] Ecrire de manière phonétique n’est guère condamnable en soi, cette pratique devient problématique lorsqu’elle est le symptôme d’une certaine paresse intellectuelle. Pour ma part, je suis optimiste et relativise volontiers les constats les plus alarmistes des médias. Si je n’ai jamais croisé de spécimen d’étudiant rédigeant dissertations et lettres de motivation dans un langage texto, j’aime à croire que c’est parce qu’il n’existe pas.

En réalité, dans le monde physique comme dans le monde digital, l’important est d’adapter son mode d’expression au canal qui est utilisé. Méconnaître cette règle élémentaire peut donner lieu à des situations comiques, voire carrément grotesques. Il faut voir la brillante performance scénique de Dominique de Villepin qui, dans ce style éminemment protocolaire qui n’appartient qu’à lui, prend des postures shakespeariennes pour clamer, face caméra, son innocence dans l’affaire Clearstream. Las, Dominique a oublié qu’il n’était plus dans un prétoire ni devant l’ONU pour s’opposer à la guerre en Irak, dans ce qui reste son unique fait d’armes, mais plus simplement qu’il parlait à des gens comme vous et moi, affalés devant leur écran d’ordinateur. Et le dandy, dans une mauvaise caricature de l’image qu’il se fait de lui-même, de brasser l’air de se mains, de réaliser de grands gestes pour appuyer des propos qui, derrière les envolées lyriques sur la chose publique et la démocratie, sonnent définitivement creux. Sans me prononcer sur le fond du dossier, je ne peux m’empêcher de trouver quelque chose de pathétique à voir cet homme parler tout seul devant une caméra, s’adressant à ceux qui auraient pu être ses sujets, et dont il voudrait aujourd’hui faire ses juges bienveillants.

On dit que les clowns sont de grands tragédiens qui s’ignorent, mais je serais enclin à penser que l’inverse est également vrai.


[1] A bien y réfléchir, ce doit être la raison pour laquelle  j’en envoie si peu.

[2] Ce qui vaut également pour votre serviteur.

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5 commentaires:

Ink a dit…

Je suis bien moins optimiste quant à la maîtrise de la langue des jeunes aujourd'hui...Trop d'étudiants écrivent de façon pitoyable...

Sarpedon a dit…

... et les autres tiennent un blog.

Sérieusement, tu dois être mieux à même d'en juger que moi. Toujours est-il que si je peux partager ce constat - un certain nombre d'étudiants peinent à s'exprimer par écrit - il me paraît réducteur d'en imputer la responsabilité aux nouvelles technologies, comme c'est souvent le cas.

On évoque souvent la diminution du nombre d'heures de français pour expliquer une partie du problème, n'étant pas membre du sérail, je m'abstiendrai de me prononcer. Le problème est complexe, peut-être est-il d'ailleurs plus ancien qu'on veut bien le dire. Les sms et autres "skyblogueries" en seraient alors davantage le symptôme que la cause.

Ink a dit…

Je ne crois effectivement pas que les nouvelles technologies en soient la cause directe. Il s'agit d'un fait de société: l'orthographe occupe moins de place à l'école, on peut atteindre un haut niveau d'études en étant très mauvais en orthographe, la lecture est en perte de vitesse notable...

En voiture Simone a dit…
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kévin a dit…

je suis moi méme nul en orthographe
et j'ai autour de moi des gens a responsabilté ou bien placé nul en orho(journaliste)