mardi 1 septembre 2009

Parfums d’été

Pour la dernière fois, Bruxelles a revêtu ses habits estivaux. Déjà, il règne dans les rues de la capitale une ambiance de fin de règne. Sur les trottoirs, les gens se pressent, la circulation automobile reprend peu à peu ses droits, même le métro retrouve ses mauvaises habitudes. Aux abords des terrasses, l’air résonne des multiples dialogues venus de lointaines contrées, donnant au quartier européen des airs de tour de Babel moderne, l’aspect tragique en moins.

800px-Parc_du_Cinquantenaire_30-05-06Le ciel, lui, s’est teinté cet été d’une couleur inédite, qui semble hésiter entre le jaune et le gris. Trop rares furent les moments où l’astre du jour a daigné pointer le bout de ses rayons, même si le mercure s’est, lui, montré fort généreux de sa personne. La Belgique, qui avait déjà inventé l’été sans chaleur, vient d’innover en proposant la canicule sans soleil. Une conséquence de plus du réchauffement de la planète ? Las, l’étrange épée de Damoclès qui pèse au dessus de nos têtes ne semble pas troubler outre mesure la quiétude de mes coreligionnaires. A toute chose malheur est bon, il faudra bien qu’un jour un habitant se décide à présenter la chose au concours Lépine, je pense qu’il aurait de réelles chances de succès.

Après l’effort, la galère. Travailleurs qui rentrent du boulot, étudiants qui se dirigent vers leur deuxième session, évadés en goguette et j’en passe, le monde entier semble s’être donné rendez-vous dans les entrailles de la Terre. Enfin, le lourd véhicule émerge de son sommeil estival, emportant avec lui son lot de voyageurs déjà fatigués. Les plus à plaindre sont évidement les parents qui viennent de prendre connaissance de la liste des fournitures scolaires, toutes plus indispensables les unes que les autres à la réussite de leur progéniture. Einstein disait que les seules choses infinies étaient la bêtise humaine et l’univers. C’était oublier l’imagination des enseignants.

Le temps semble comme suspendu à l’intérieur de la rame, la même seconde paraît durer éternellement. Puis, chacun retourne enfin à ses activités normales, loin de la touffeur tropicale qui suinte de chaque wagon. Le soleil – où était-il passé celui-là ? – rayonne enfin dans un sursaut d’orgueil, alors que je franchis le seuil de la maison.

Et lorsque vient l’heure de plonger dans les bras de Morphée, il fait bien trop chaud, impossible de dormir. Par la fenêtre, je jette un œil distrait sur le spectacle de la rue. Le vent se lève, le ciel se couvre et, bientôt, l’air se charge de vapeurs mêlées d’essence et de bitume. L’averse tombe alors sans crier gare. Quelques gouttes d’abord, puis vient l’orage, grandiose et inquiétant à la fois. Le tonnerre retentit, des éclairs déchirent le ciel en autant de morceaux. Quelques badauds tentent en vain de trouver un abri de fortune, les autres accueillent ce cadeau venu du ciel comme un rafraichissement salvateur. La pluie ruissèle sur les joues, chassant au passage ce qui reste d’embruns discrètement ramenés de voyage.

Cette fois, le doute n’est plus permis. L’été s’achève, les vacances prennent fin. Il y a dans ce constat comme une pointe de nostalgie, un soupçon d’amertume. Il faudra pourtant bien faire son deuil des bus qui n’arrivent jamais, des rediffusions de la série des Gendarmes et du chocolat qui fond entre les doigts.

Fin de la parenthèse, la grisaille reprend ses droits. Et c’est, ma foi, fort bien ainsi.

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2 commentaires:

Sammy a dit…

"Les seules choses infinies sont l'univers et la bêtise humaine, encore que pour l'univers, je ne sois pas complètement sûr" Je trouve que c'est la deuxième partie de la citation qui lui donne tout son piquant.

J'aime beaucoup cette chronique de rentrée ! J'avais juste une petite interrogation : j'ignorais que la Belgique fut une religion... tu parles en effet de "coreligionnaires" pour qualifier tes compagnons de "canicule sans chaleur" =)

Il y a beaucoup de belles phrases dans le genre de celles-ci dans ce texte, chapeau.

Sarpedon a dit…

Anefé, il semble que dans mon enthousiasme, j'ai quelque peu déformé le sens du mot "coreligionnaire" pour les besoins de ma prose. L'expression "voisins de table" aurait sans doute été plus heureuse.

Merci pour le commentaire, d'autant plus gratifiant que j'ai dû réécrire complètement le billet, qui à l'origine était destiné à une publication au cœur de l'été. Le recyclage n'a plus de secrets pour moi.