vendredi 20 février 2009

Chronique souterraine

800px-Brussels_Metro_Rogier_01 nb partiel 7h45. Sur le quai, un pauvre hère visiblement aviné apostrophe les voyageurs sur un ton menaçant lorsque le vaisseau orange et métal émerge enfin de la pénombre bruxelloise. La foule se presse à l’intérieur de la rame avec pour seul objectif de trouver une place assise. Spectacle pathétique et quotidiennement renouvelé de ces gens d’ordinaire si paisibles que la perspective de passer le trajet debout transforme en bêtes féroces.

Le signal sonore retentit. Après deux tentatives infructueuses de fermeture des portes, le métro finit par s’ébranler. Le paysage et les arrêts défilent, bientôt les premiers tunnels et l’entrée dans le monde souterrain. Les stations succèdent aux stations, la saine indifférence des passagers juste troublée quelques instants par l’apparition d’un sans abri à l’haleine chargée d’alcool. Regards désapprobateurs qui se croisent lorsque l’importun passe à leur hauteur.

Rien ne vaut la promiscuité pour créer de la distance. Une femme d’un certain âge se cramponne au dernier bouquin de PPDA, un col blanc regarde passivement le paysage défiler, la plupart des voyageurs ont la tête enfouie dans leur col dont dépassent seulement deux écouteurs blancs. La horde des iPodeux est encore une fois bien représentée. Quelques mètres plus loin, une petite vieille s’adresse à ses voisins comme aux petits-enfants qu’elle n’a jamais eus.

A l’approche du centre de la ville, la rame se remplit jusqu’à saturation. Plus que quelques minutes et chacun reprendra le cours normal de son existence. Enfin, les portes s’ouvrent et la rame déverse son flot de voyageurs tantôt résignés, tantôt impatients d’en découdre. Les voyageurs s’engouffrent dans l’escalator. En panne, comme à l’accoutumée. Sur la file de gauche, écoliers et travailleurs s’activent, les moins jeunes, serrant leur droite, observent cette agitation d’un œil lointain. Le son de mes écouteurs se mêle à la sérénade d’un saxophoniste qui tente désespérément d’attirer l’attention des passants. Encore quelques marches et puis, enfin, la lueur du soleil. En quittant la station, je jette un regard distrait en direction de l’horloge. 8h15.

Un nouveau jour débute. Un jour comme les autres, à nul autre pareil.

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4 commentaires:

Anonyme a dit…

Individualisme et promiscuité en mode urbain.
Aussi étrange que cela lui paraître (oui, je sais, je suis bizarre), cette description me rendrait nostalgique de la ville, du béton, du bruit.

Sarpedon a dit…

Je me rends compte que j'ai complètement négligé l'aspect olfactif dans ma description. Ce sera pour la prochaine fois. Si après cela tu es encore nostalgique...

Sammy a dit…

Rien ne vaut la promiscuité pour créer de la distance, belle phrase. J'aime bien aussi la phrase de fin, les jours se suivent, se ressemblent mais...il ne tient qu'à nous d'en faire des choses uniques.
Joli texte :-)

Sarpedon a dit…

Plus on est nombreux, plus on est seul. Et c'est particulièrement vrai dans les transports en commun où l'on côtoie toutes sortes de gens que l'on ne fréquenterait jamais de son propre chef.

J'aime bien ton interprétation de la fin. Elégante, c'est le mot.