dimanche 7 septembre 2008

Quand Paris Match donne la parole aux Talibans

Pas plus que le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière, on ne peut pas tout avoir : la guerre, la sécurité, et le sourire des Talibans.

Taliban_in_southern_Afghanistan_10-12-06Ces dernières semaines marquent le retour à l’avant-plan de la guerre en Afghanistan. Car c’est bien d’une guerre dont il s’agit, même si elle a été longuement occultée par la situation en Irak. Tout est parti de la mort de ces dix soldats français tombés dans une embuscade tendue par les talibans. Au même moment, la Belgique envoie quatre avions de combat F16 pour soutenir la coalition, une décision qui avait été prise de longue date. Comme un malheur ne vient jamais seul, un démineur belge est décédé au Liban en tentant de désamorcer un engin explosif.

Enfin, il y a le magazine Paris Match qui publie l’interview des talibans qui se présentent comme les auteurs de l’attaque. Le texte est illustré par les photos des « insurgés » qui prennent la pose, pour certains vêtus de l’uniforme des soldats français tombés au combat, pour d’autres avec le fusil mitrailleur Famas en bandoulière.

Les familles sont choquées et je les comprends, pour eux ce sont les assassins de leurs maris, enfants, pères à qui l’on donne la parole. Le ministre de la défense, lui, ne peut pas faire autrement que de désapprouver un reportage qui tombe au plus mauvais moment, alors que des voix s’élèvent pour réclamer le retrait des troupes. Il est d’ailleurs assez cocasse de remarquer que les extrémistes, de gauche comme de droite, sont d’accord sur le sujet, jusque dans le principal argument qu’ils emploient : c’est la faute à Oncle Sam.

J’ai vu les photos et, pour l’observateur « neutre », elles n’ont rien de choquant. Pas comme la fois où je suis tombé nez à nez, si je puis m’exprimer ainsi, sur la photo du corps d’un malheureux gisant sur le sol, la tête posée comme un trophée quelques mètres plus loin. Le plus dérangeant ne réside d’ailleurs pas dans les photos, l’on comprend à la lecture du texte que les talibans ont voulu adresser un message, directement à l’opinion publique française : partez ou vous subirez le même sort. La bataille se gagne aussi sur le terrain médiatique. Les Talibans ne risquent pas de tuer tous les Français comme ils le prétendent, mais ils peuvent faire suffisamment peur à ceux qui sont à l’abri en France pour qu’ils rappellent leurs troupes.

Ces tristes événements rappellent cruellement à ceux qui l’auraient oublié que nous sommes en guerre en Afghanistan et que tout conflit armé engendre des pertes, même s’il faut tout faire pour en limiter le nombre. La guerre propre n’existe que dans l’imagination de ceux qui ont inventé le terme. Alors, quitte à risquer des vies, mieux vaut exposer celle des soldats de métier, entrainés, équipés, formés, payés pour ce faire. Les soldats savent qu’en s’engageant, il est possible qu’ils soient envoyés au front, ce qui ne veut pas dire les envoyer au casse pipe. Lorsqu’on s’est entouré d’un maximum de précautions, on ne peut pas tout remettre en cause à chaque fois qu’on déplore des victimes. Si on arrêtait tout maintenant, leur mort n’aurait servi à rien.

Plus que les photos dans Match, ce qui me choque bien davantage, c’est le traitement de l’affaire par la télévision régionale. Comme à l’accoutumée, les journaux régionaux de France 3 n’ont parlé que de ce qui touchait directement leur région. Exit donc les funérailles des soldats qui sont nés dans la région voisine. A l’heure de la mondialisation, cet esprit de clocher, vague réminiscence d’une époque révolue, a-t-il encore un sens ? Je pose la question, même si pour moi la réponse ne faut guère de doutes.

En attendant, la guerre est toujours cette chose sale, moche, qu’elle a toujours été. Même quand elle se déroule à des milliers de kilomètres. Seulement voilà, il faut parfois dix morts pour s’en souvenir.

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