dimanche 27 janvier 2008

Les princes des villes

Beaucoup de choses ont changé depuis quelques années. Signe des temps, les posters du dernier SUV[1] à la mode ont remplacé les supercars des années 80 dans les chambres des ados, toute leur ambition se résumant à l’acquisition d’un de ces monstres sur quatre roues, à peu près autant à leur place sur l’asphalte qu’une Ferrari sur les pistes du Paris-Dakar.

Un responsable de chez PSA, interrogé au sujet du lancement du nouveau SUV de Peugeot-Citroën le soulignait : les constructeurs ne font que répondre à une demande. Il n’a pas totalement tort. Monsieur Tout-le-Monde ne jure plus que par les mastodontes hauts sur pattes au volant desquels il pourra impunément narguer le commun des automobilistes. Le chef de file et initiateur du mouvement est incarné par le Hummer, véhicule dérivé d’un tout terrain militaire. Voilà qui en dit long sur la philosophie de l’engin. Et si bien peu possèdent finalement ce type de voiture, c’est davantage la conséquence d’un manque de moyens que d’une réelle prise de conscience écologique.

Lourdes du fait de leur transmission intégrale, affligées d’une aérodynamique d’une autre ère et allègrement surdimensionnées, ces autos consomment et polluent davantage que les voitures ordinaires. Mais il y a comme une dichotomie dans l’esprit des gens. Les gens sont de plus en plus sensibles à l’écologie et à en croire les enquêtes réalisées en rue, l’immense majorité d’entre eux se dit prête à faire des efforts en faveur de l’environnement. Pourtant, une fois rentrés chez eux, les mêmes s’endormiront paisiblement, rêvant sans doute d’un 4x4 flambant neuf. L’écart qu’il y a quelquefois de la parole aux actes…

Parce qu’on peut difficilement y échapper, le message effleure même l’esprit des plus obtus : quelle Terre désirons-nous laisser à nos enfants ? La mauvaise conscience qui aurait pu constituer un redoutable frein à l’achat n’étant plus très loin, il devenait donc urgent de trouver une parade. Heureusement, les publicitaires, jamais à court d’idées, sont venus à la rescousse avec un argument massue : la sécurité. Plus hauts donc offrant une meilleure visibilité et équipés de quatre roues motrices, les SUV offriraient plus de sécurité. Oubliées les lois les plus élémentaires de la physique qui font qu’un tel véhicule se mettra sur le toit plus facilement qu’un autre et du fait de son poids supérieur causera plus de dégâts en cas d’accident. Vendre les 4x4 parce qu’ils sont plus sûrs, il suffisait d’y penser. Comme quoi, plus c’est gros, plus ça passe.

J’en viens au second argument traditionnel des amateurs de 4x4 : j’ai nommé la liberté. On domine le trafic, au sens propre comme au figuré, avec l’illusion de pouvoir à tout moment couper à travers champs. La liberté quoi. Sans doute un des vestiges de l’esprit pionnier. Avec les 4x4 dans le rôle du charriot de la conquête de l’ouest. Sauf que le paysage actuel n’a pas grand chose à voir avec celui du Far ouest et que rien ne justifie rationnellement l’utilisation d’un 4x4.[2] Reste le sentiment cher payé de jouer les aventuriers du dimanche bien à l’abri dans son monstre de métal climatisé.

Et si en réalité, plus que le sentiment de liberté qu’il procure, de sécurité ou quoi que ce soit d’autre, l’achat d’un tout terrain était avant tout guidé par une volonté de se couper du monde. Mais la tentative est vouée à l’échec : on peut toujours essayer de placer des centimètres de métal entre soi et la réalité, elle finit toujours par vous rattraper au tournant.

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[1] Sport utility vehicule. Autrement dit, une voiture qui a le look baroudeur sans les capacités de franchissement qui vont avec.

[2] Hormis pour quelques professions comme les gardes-forestier…

2 commentaires:

Sammy a dit…

Très bon texte.

Sarpedon a dit…

Merci.

J'imagine que je peux en déduire que tu n'es pas l'heureux conducteur d'un tout-terrain des villes. Mais peut-être suis je présomptueux ?