vendredi 23 novembre 2007

Boucs/blogs émissaires (biffez la mention inutile)

Les journalistes sont toujours prompts à fouiller le passé des protagonistes des faits divers. Il fut un temps pas si lointain où tout qui commettait un acte atroce se trouvait aussitôt affublé d’une étiquette d’accro aux jeux vidéo violents vivant coupé du monde seul devant son ordinateur, fan de Marilyn Manson de surcroît et sympathisant des idées nazies cela va sans dire. Tout ça parce que les auteurs de la tuerie de Colombine de sinistre mémoire semblaient correspondre à ce profil.

Si je remonte encore quelques années en arrière, c’était alors au tour des films d’horreur pour adolescents - les slashers movies[1] comme on a coutume de les appeler - d’être accusés de nourrir les instincts meurtriers de jeunes forcément nihilistes et désœuvrés. Je me rappelle notamment de plusieurs faits divers impliquant des individus déguisés en tueur de Scream et revêtus du célèbre masque.

Mais le diable a plus d’un tout dans son sac et il est capable de prendre bien des formes. Aujourd’hui il a revêtu les atours du blogueur. Il ne se passe pas un jour sans qu’on évoque les nouveaux méfaits des blogs et des réseaux sociaux. Ici, c’est une gamine américaine de 13 ans qui se serait pendue après avoir lu les horreurs que contenaient les messages qui lui avaient été adressées sur son compte Myspace. Là-bas ce sont des blogs encourageant incitant à l’anorexie qui sont fermés.

Puisque nous sommes confrontés à l’obligation de trouver des coupables alors, tant qu’à faire, autant designer comme seule responsable une force extérieure et irrépressible qui nous pousse à commettre l’inadmissible. Ce n’est pas ma faute : c’est la faute des média, de l’Internet, du cinéma, des jeux vidéo. C’est sans doute quelque part rassurant, au moins on évite de poser les vraies questions, celles qui dérangent : comment ces jeunes ont-ils pu déraper – et pour certains le mot est faible – sans que personne ne s’en avise, pourquoi n’y avait-il personne pour assurer leur suivi ? Ainsi éludé également le difficile problème de la surveillance de leurs enfants par des parents qui dans le meilleur des cas sont complètement dépassés, dans le pire se servent qui de la TV, qui de l’ordinateur comme d’une nounou.

Tout paraît au premier abord si évident. Il y a comme un consensus mou pour considérer que l’individu jusqu’alors sain de corps et d’esprit était comme happé par la machine – n’oublions pas que dans les trois hypothèses on fait appel aux nouvelles technologies – pour se retrouver subitement privé de ses facultés de jugement et dès lors incapable de résister à ses instincts les plus vils. Dans ces conditions, il se trouvera peu de monde pour souligner que ces individus avaient un problème préexistant, et qu’il n’est dès lors pas la conséquence de la consultation des blogs, des films d’horreur ou des jeux vidéo.

Je ne crois pas qu’on crée un blog pour pousser des gamines au suicide, on le fait parce qu’on est soi-même anorexique. On ne devient pas agressif par le fait de jouer aux jeux vidéo violents ; même si certaines personnes apprécient ce type de jeux pour cette raison. Enfin, on ne poignarde pas ses voisins dissimulé derrière un masque parce qu’on a vu cette scène dans un film, mais bien pour des motifs plus ou moins confus, en tout cas bien plus complexes que ce qu’avancent certains de manière fort simpliste.

Le déterminisme n’a, il est vrai, jamais eu mes faveurs, et j’aime à penser que la trajectoire décrite par nos existences tient plus à des choix réfléchis qu’à des pulsions ou de manière générale à l’action du hasard.[2] Certes, c’est une affirmation purement gratuite et non fondée, mais c’est aussi la seule façon de justifier ma présence ici.


Mots clés Technorati : , , ,

[1] Scream et I Know What You Did Last Summer en sont de bons exemples.

[2] Il faudra que je songe à développer cette idée ultérieurement.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ce que je cherchais, merci