mardi 14 août 2007

Nos amis les dictateurs

Les otages (appelons les choses par leur nom) bulgares à peine libérées, voilà le fils Kadhafi qui se répand en déclarations dans la presse, où l’on apprend que la libération des infirmières est bien consécutive à un marchandage avec la France (otages contre vente d’armes et nucléaire civil) et que les autorités libyennes savaient depuis le début qu’elles étaient innocentes. Cerise sur le gâteau, le voilà maintenant qui reconnaît qu’elles ont été torturées.

Sacré Kadhafi. Il a toujours trop gâté ses fils, résultat : quand ils ne font pas la course avec la police sur les Champs Elysées, ils le mettent en difficulté sur la scène internationale. Evidemment, ces interviews ne nous apprennent rien que nous ne connaissions déjà, puisque l’innocence des Bulgares faisait peu de doutes et les traces de torture étaient évidentes, il n’en reste pas moins que cela fait toujours mauvais genre de reconnaître publiquement la véracité de telles accusations. Kadhafi ferait bien d’y prendre garde s’il ne veut pas voir son fils détruire ses remarquables efforts pour redevenir quelqu’un de fréquentable.

Pour en revenir au sort des infirmières proprement dit, le fait que la Bulgarie fasse désormais partie de l’Union européenne a dû jouer un rôle considérable dans leur libération, c’est certain. Je doute fort que la mobilisation internationale, et singulièrement celle du président français Nicolas Sarkozy, eut été la même si les personnes concernées avaient été des ressortissants togolais ou laotiens. Mais sans doute est-ce moi qui suis cynique.

Oh et puis après tout, je me demande pourquoi je me pose toutes ces questions. Après tout comme le dit le président Sarkozy, où est le problème ? Les infirmières sont rentrées chez elles et les salariés français de l’armement vont conserver leurs emplois. Mais alors d’où me vient ce sentiment amertume ?

Par quoi je commence ? Par le fait d’avoir vendu son âme, et pour pas grand chose apparemment, à quelqu’un de peu recommandable, et que je ne crois pas insulter en disant qu’il n’est pas un grand démocrate ? Ou bien par le fait que la France ait de l’avis de nombreux experts fait un pas de plus vers la prolifération nucléaire ? Une fois de plus une démocratie fraye avec une dictature. Ce n’est pas la première fois, et sans doute pas la dernière.

Nicolas Sarkozy avait promis de « moraliser les relations internationales. » Pour une première tentative, c’est raté. J’entends bien l’argument selon lequel il fallait adresser un signal à Kadhafi pour lui montrer qu’il a eu raison d’abandonner le terrorisme et de « revenir dans le concert des nations. » Pourtant, quitte à offrir une contrepartie aux Libyens, j’aurais préféré qu’il s’agisse de contrats purement civils. Sans doute ne fait-on pas d’omelette sans casser des œufs, et de toute manière la politique n’a que faire de la morale. Je crois que je ne m’y ferai jamais.

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