samedi 28 mars 2009

Cas d’école

Le surréalisme belge se manifeste quelquefois dans des domaines inattendus. La question scolaire a toujours fait couler beaucoup d’encre en Belgique. Si les combats idéologiques entre partisans d’un enseignement officiel et tenants d’un enseignement catholique sont aujourd’hui derrière nous, on s’interroge toujours sur la manière de donner à chaque enfant les mêmes chances, ce qui donne parfois lieu à des mesures aux effets… surprenants.

783px-Bundesarchiv_Bild_183-R0425-0009,_Berlin,_Palast_der_Republik,_Schlange_vor_EingangA la différence de ce qui se pratique chez nos voisins d’Outre-quiévrain, il n’existe pas de carte scolaire en Belgique, et la faculté pour les parents d’inscrire leur enfant dans l’école de leur choix est considérée comme une liberté fondamentale. Vieil héritage de la guerre scolaire entre laïcs et catholiques, notre pays voit cohabiter quatre réseaux d’enseignement : le libre (catholique)[1] et l’officiel qui est lui-même divisé en enseignement géré par les Communautés, les provinces et les communes. Comme si cela n’était pas assez complexe, chaque école dispose de son propre projet pédagogique, les unes proposant plus de place au sport, les autres mettant l’accent sur l’immersion linguistique. L’ensemble débouche sur une offre pléthorique, que l’on jugera selon son humeur déplacée ou au contraire positive.

Evidemment l’on a songé à rationnaliser cette offre, mais personne n’a réellement envie de rouvrir la boite de Pandore, de peur de voir toutes anciennes querelles ressurgir. Les politiciens ont donc préféré s’attaquer à un autre problème, celui de la mixité sociale. Comment peut-on en effet accepter que certaines écoles concentrent les meilleurs élèves quand d’autres font figure d’écoles de relégation ?

Même si rien ne prouve qu’il ait existé par le passé de véritables discriminations à l’inscription dans certaines écoles, le simple fait pour elles d’afficher leur élitisme agissait comme un repoussoir pour certains publics et un aimant pour d’autres. Consciente du problème, la ministre Marie Arena mit en place la règle du « premier arrivé, premier servi », avec pour conséquence ces scènes surréalistes, semblant tout droit sorties d’images d’archives d’un pays de l’ex bloc soviétique, de parents faisait la queue pendant des heures devant les établissements les mieux cotés. Les moins courageux – ou les plus nantis - ont été jusqu’à payer des étudiants pour poireauter le temps nécessaire à l’obtention du précieux sésame.

Ce système n’était donc pas tenable et le successeur de Maria Arena, Christian Dupont a été contraint de revoir sa copie, en définissant des catégories d’élèves prioritaires et, in fine, en s’en remettant en cas de demande supérieure à l’offre au critère le plus neutre, mais aussi le plus idiot qui se puisse concevoir : le hasard. Un tirage au sort a été mis en place dans les écoles qui ne peuvent satisfaire toutes les demandes d’inscription. Avec cet effet pervers que rien n’empêche les parents de préinscrire leurs enfants dans plusieurs écoles pour améliorer leurs chances. Des enfants sont donc restés sur le carreau, quand d’autres étaient sélectionnés dans plusieurs écoles. Rien ne dit dans ce cas que les parents prendront la peine de prévenir la direction de l’établissement évincé que leur enfant passera l’année scolaire dans une autre école.

Une fois encore, la réforme mise en place a vite fait de démontrer ses limites et il fallut trouver une solution en urgence pour dégonfler une bulle qui sans cela ne tarderait pas à exploser. Cette ultime ( ?) réforme adoptée le 24 mars avance plusieurs pistes en ce sens : entre autres, demander aux parents de signaler leur ordre de préférence entre plusieurs établissements ou bien encore laisser la possibilité aux directeurs d’écoles d’augmenter le nombre de places disponibles.

Il n’est pas étonnant qu’en temps de crise, l’école sonne comme une valeur refuge. Quelque part, il est même assez rassurant de constater que les parents sont conscients du fait que l’avenir de leur progéniture se joue dès les premières années de leur scolarité. Comment ne pas comprendre dès lors qu’ils cherchent à inscrire leurs enfants dans les écoles les plus réputées. Quel que soit le système d’inscription qui sera choisi, l’imagination des hommes sera toujours prompte à profiter de ses lacunes. Le vrai problème en Belgique, et singulièrement en Communauté française ne se situe pas au niveau de l’inscription, mais concerne la disparité des niveaux entre établissements. Au risque d’enfoncer une porte ouverte, je n’ai pas le sentiment qu’un élève issu d’une école « ghetto » ait autant de chances d’accéder à l’enseignement supérieur et d’y réussir qu’un élève qui a effectué sa scolarité au sein d’établissements mieux cotés. Mais de cela personne ne parle, car l’on préfère soigner les symptômes que de guérir le mal.


[1] Paradoxalement, dans le supérieur, ce sont les universités laïques qui sont dites « libres. »

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