lundi 24 novembre 2008

Le goût de livre

Je lisais l’autre jour un sondage expliquant que 53 % des Belges n’avaient pas lu un seul livre au cours des douze derniers mois. Depuis, je ne cesse d’y penser.

800px-Livre_OuvertIl faut se faire une raison, la bêtise est du dernier chic. Et ce n’est pas une question de classe sociale. Combien de fois n’ai-je pas entendu cette formule, dont l’écho résonne encore à mes oreilles : « Lire, c’est du temps perdu. » Le tout avec un grand sourire condescendant qui semble dire : « Tu dois vraiment avoir une vie bien inintéressante pour rester le nez plongé dans tes bouquins. »

Allons bon, nous devrions donc bannir la lecture de nos emplois du temps à partir du moment où elle ne génère pas un profit directement quantifiable ? A titre personnel, j’accueille bien volontiers cette pause détente à la fin d’une journée remplie par des tâches dites productives. D’ailleurs, ce n’est pas parce que le bénéfice n’est pas immédiat qu’il n’existe pas. Même si dans le cas présent, il s’agit d’un enrichissement personnel sur le long terme, ce qui semble passer complètement au-dessus de la tête de nombre de certains de mes contemporains. Enfin, savoir qu’on se couche un peu moins bête qu’on s’est levé, ça n’a pas de prix.

J’ai le sentiment, mais peut-être suis-je seul à le ressentir, que la lecture est en quelque sorte devenue une activité subsidiaire, de celles qu’on pratique quand on n’a rien de mieux à faire. Il faut dire que les sollicitations sont nombreuses, et le temps nous est compté. Nul n’est plus pauvre que celui qui refuse le savoir en connaissance de cause. Et, dans nos contrées privilégiées, j’aurais tendance à croire qu’ils sont une majorité. Même si lire ne suffira jamais à faire de nous des gens intelligents, au moins en sommes-nous conscients.

Malgré tout, je ne pense pas qu’on lise moins que par le passé, seulement on le fait différemment. Sur un écran d’ordinateur, et bientôt sur des lecteurs de livres électroniques comme le Kindle d’Amazon. D’ailleurs, les raisons d’espérer ne manquent pas. A commencer par les blogs, avec leur cortège de petites mains qui s’affairent sur leur clavier pour fournir à leurs lecteurs leur dose quotidienne de bile ou de joie, c’est selon. Et puis, il y a un certain petit sorcier à lunettes qui a su (re)donner goût à la lecture à beaucoup d’enfants, réussissant là où l’école a malheureusement échoué, le seul effet des lectures imposées ayant été d’associer durablement dans l’inconscient collectif la lecture à une contrainte. Pourtant, il n’est pas de fatalité, ainsi qu’en témoigne le bouquin de Daniel Pennac intitulé Comme un roman. Le tout est de désacraliser le livre, pour le faire revenir dans le quotidien.

Tout cela me fait penser à ces personnes, chaque jour plus nombreuses, qui lisent dans le métro, une main agrippée à la main courante, l’autre tenant fermement le dernier Goncourt. Je n’ai jamais compris par quel miracle ils parvenaient à se concentrer sur les mots au milieu de la foule, entre le balancement de la rame et le bruit des portes qui s’ouvrent et se referment. Ces lecteurs précaires ne détacheraient pour rien au monde les yeux de leur précieux ouvrage, quitte à me percuter au détour d’un couloir. Faut-il être fou pour agir de la sorte ? A moins qu’il s’agisse simplement de dérober quelques minutes d’évasion avant de revenir dans le monde réel. Le plus innocent des larcins en somme.

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