mardi 22 juillet 2008

Les blogs : miracle ou mirage ?

Au commencement était le web réservé à quelques fanas d’informatique. Eux seuls étaient capables de créer des sites et du contenu car ils étaient les seuls à maîtriser les langages de programmation. Par la suite, l’apparition de nouvelles solutions permettant le développement d’applications web comme AJAX, ainsi que la généralisation des ordinateurs domestiques et des connexions à haut débit ont permis à tout un chacun d’apporter sa petite pierre à l’édification de la toile mondiale. Aujourd’hui, on peut en quelques clics de souris créer un blog pour raconter par le menu les aléas de sa vie quotidienne, publier la vidéo du petit dernier qui fait ses premiers pas sur Youtube ou ses photos de vacances sur Flickr.

Pour beaucoup, les blogs illustrent à merveille la démocratisation de la publication sur l’internet. Le miracle s’est opéré sous nos yeux : il ne faut plus être un expert pour créer du contenu. En conséquence, le « user generated content » ou « contenu généré par les utilisateurs » est devenu une réalité depuis quelques années déjà. Je me dois pourtant d’apporter un bémol à ce concert de louanges. Car, pour moi, la démocratisation n’est qu’apparente. S’il est vrai que la barrière n’est plus au moment de la publication, elle n’a pas disparu pour autant. Plus insidieuse, elle prend place en aval, au moment où l’on désire être lu. Pour un blogueur qui réussit et que les médias qualifient rapidement « d’influent.», combien qui se sont arrêtés au bout de trois mois, faute de visiteurs ?

C’est ce que je serais tenté d’appeler la censure par la masse : l’internaute dispose d’un laps de temps fini pour découvrir un nombre de nouvelles pages pratiquement infini. Forcé de choisir, il passe à côté de la plupart des informations. Pour employer une image un peu plus parlante, les blogs sont comme une autoroute permettant de communiquer avec les autres, qui serait faite de plus de bandes de circulation que d’internautes. Les chances de rencontrer des visiteurs sont minimes. Ce phénomène est bien connu des économistes. L’offre est aujourd’hui infiniment supérieure à la demande. Comment s’étonner dans ces conditions que l’audience de la grande majorité des blogs reste confidentielle ?

Dans ce contexte d’explosion de l’offre, ceux qui réussissent - en dehors de quelques privilégiés qui jouissent d’une certaine visibilité sur la toile grâce à leurs activités professionnelles - sont ceux qui maîtrisent l’art du marketing et du référencement. Le marketing va permettre de générer du buzz autour de votre blog, de le faire connaitre. Le référencement va lui permettre de figurer en bonne place dans les résultats des moteurs de recherche. Chacun sait en effet qu’il est rare qu’on cherche au-delà de la première page de Google, le but du jeu est donc d’y figurer en ordre utile.

Le bilan de ces quelques années d’existence des blogs me parait donc nettement plus nuancé qu’on pourrait le croire au premier abord. Si le pouvoir a effectivement quitté les mains des éditeurs au sens large, il a rapidement été récupéré par d’autres experts. Maîtriser les techniques de référencement et le marketing ne s’improvise pas. De ce fait, bien des pépites sont complètement noyées dans la masse. Et n’espérez pas faire faire surface grâce à votre seul talent d’écriture ou l’originalité des thèses que vous défendez : le filtre n’est pas celui de la qualité.

Il serait sans doute souhaitable que la sélection s’opère sur base de critères plus démocratiques. C’est la raison d’être des digg-like qui demandent aux internautes de pousser les articles qu’ils préfèrent en votant pour eux. Les utilisateurs sont placés sur un pied d’égalité et les articles les plus appréciés remontent en page d’accueil. Ce modèle qui fait la part belle à l’action de l’internaute lui-même reste toutefois assez marginal.

Pour l’heure, il est illusoire de croire que les blogs ont véritablement démocratisé l’expression sur l’internet, ils n’ont fait que repousser le problème : désormais tout le monde est publié, mais pratiquement plus personne n’est lu. C’était sans doute le prix à payer pour que tout un chacun puisse exprimer ses états d’âme sur la toile. Encore pourrait-on souhaiter que ceux qui se prévalent des meilleures audiences puissent le justifier par la qualité de leurs billets. Force est de constater que c’est loin d’être toujours le cas.

Qu’en pensez-vous ?

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