mercredi 23 avril 2008

De l’autre côté du miroir aux alouettes

Des anonymes, des stars et de celles et ceux qui font tout pour le devenir.

Jusqu’il y a peu, le chemin pour accéder à la notoriété était long et semé d’embûches. Cinéma, chanson, sport… : les possibilités ne manquaient pas, mais toutes avant pour point de départ d’exiger de la part du candidat qu’il ait accompli quelque chose d’extraordinaire au sens étymologique du terme. Un talent quelconque doublé d’une bonne dose de travail était la condition sine qua non d’une notoriété à laquelle le candidat à la célébrité parviendrait peut-être un jour. La notoriété n’était d’ailleurs envisagée qu’en termes de moyens de vivre de sa passion, jamais comme une fin en soi.

Bien sûr cette voie est toujours d’actualité, mais désormais il existe des raccourcis et ils sont nombreux à emprunter des chemins de traverse. J’en distingue deux, j’en oublie certainement.

A tout seigneur tout honneur, les « filles et fils de » ont une belle carte à jouer qui leur permet de brûler certaines étapes dans leur quête de reconnaissance.[1] Leur voie est pour ainsi dire toute tracée, même si marcher sur les traces de ses illustres ancêtres peut s’avérer périlleux et que d’aucuns souffriront leur carrière durant de la comparaison. On en est revenus de la conception mérovingienne de transmission des qualités par le sang : quelquefois les chiens font des chats.

Il est vrai que tout le monde n’est pas issu d’une tribu d’acteurs. Fort heureusement, la télévision est là pour réparer cette injustice : un passage par la case petit écran et c’est l’assurance d’une notoriété toute provisoire mais sur laquelle les plus malins parviendront à surfer le temps de s’assurer une retraite dorée. Certains sortiront péniblement un disque, d’autres une autobiographie qu’un nègre sous payé aura rédigée pour eux : autant de vaines tentatives de faire oublier les origines de leur gloire mal acquise. De fait, la plupart retomberont dans l’anonymat, racontant à qui veut l’entendre leur gloire passée.

Si je vous parle de tout ça, c’est parce que Ashley Alexandra Dupré, la prostituée qui a fait chuter Eliot Spitzer, gouverneur de l'Etat de New-York vient de se lancer dans la chanson. Auréolée de sa notoriété involontaire, la belle est parvenue à classer deux de ses titres en 1er et 3ème place du billboard américain. Je ne donne pas longtemps avant qu’elle retombe dans l’oubli. Vraisemblablement connaitra-t-elle un destin à la Monica Lewinsky, dont personne ne sait ce qu’elle est devenue. Qui s’en soucie d’ailleurs ?

Les stars sont mortes, vive les people. La peopolisation générale de la société est en marche, donnant l’illusion que chacun a droit à son quart d’heure de gloire, indépendamment de ses qualités intrinsèques ou de son mérite. Aujourd’hui, tout le monde veut sa photo dans le journal et tout le monde est people qu’il soit journaliste, écrivain, politicien ou patron de boite de nuit. Cette inflation de candidats à la notoriété a fait baisser considérablement la légitimité qui s’attache à ce statut. Mais qu’importe, les apprentis vedettes ne se soucient que du résultat. Leur devise ? « Il vaut mieux faire parler de soi en mal que ne pas faire parler de soi du tout. »

Cruelle est la vie qui choisit un quidam au hasard, le sort de son existence ordinaire avant de le renvoyer dans l’ombre qu’il n’aurait jamais dû quitter. Le sort finit toujours pas rattraper ceux n’avaient rien à faire sur le devant de la scène. Au XIXème siècle, le président Lincoln prophétisait : « Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps. » Et moi je ne vois toujours rien à ajouter. On est peu de choses.


[1] Au hasard, les héritières de chaînes d’hôtels, par exemple.

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