Je me souviens d’une publicité en double page d’un magazine qui représentait un superbe appartement au design contemporain, sobre et épuré. Un joli terrain de jeu, mais jusqu’ici rien de bien mémorable. A ceci près que le salon était bordé d’une immense baie vitrée derrière laquelle on distinguait nettement des requins évoluer. Et moi, J’étais fasciné parce que la pub vantait les mérites d’une voiture sans se donner la peine de la montrer. Sous l’image figurait cette question, un peu provocante et conçue comme une pique à ses concurrentes germaniques, « Et si le vrai luxe c’était l’espace ? »
Pas faux, mais un peu court tout de même. Je crois que la question mérite d’être posée. Essayons d’y voir un peu plus clair, si vous le voulez bien. Un peu de futilité de fera pas de mal, à l’heure où les gens n’ont que l’expression « pouvoir d’achat » à la bouche.
Le luxe c’est de naviguer sur un bateau à voile quand la plus modeste des barques de pêcheur est équipée d’un moteur, d’utiliser une montre manuelle quand les moins chères sont automatiques, de conduire une voiture sans assistance électroniques à l’heure où une petite citadine en est bardée, de faire des photos en noir et blanc comme au bon vieux temps alors que les appareils se perfectionnent de plus en plus, de payer une fortune pour un jeans « usé à la main » dont je ne voudrais pas même pour faire des travaux de peinture, de se passer volontairement de machines quand bien même elles offrent une qualité de travail et une vitesse d’exécution dont aucun homme ne sera jamais capable de s’approcher.
Le luxe c’est donc en quelque sorte le fait de payer plus pour en avoir moins. Sans doute, mais ce n’est pas que cela. Le luxe réside aussi peut être dans l’abondance, le fait de ne manquer de rien et même plus. Oui, mais voilà à force d’en avoir autant qu’on veut, on finit par se lasser. Ce qui est accessible en quantité illimitée perd vite de son intérêt.
Reste à jouer la carte de la qualité. Le luxe c’est d’avoir ce qui est rare. Seulement là aussi. Une fois qu’on possède ce qu’on désirait, tout perd de son intérêt.
Que faire alors ? Innover, découvrir de nouvelles choses, pour renouveler sans cesse l’attention. Sous peine de finir tous blasés.
Le luxe c’est aussi de se distinguer à l’heure où tout le monde s’habille pareil, mange la même nourriture et écoute du R&B. La mondialisation rend paradoxalement le repli sur soi du dernier chic. La « culture mondiale » n’a pas encore gagné.
Mais plus que les toutes les pistes que je viens d’avancer, si le luxe c’était d’avoir le choix. Avoir la possibilité de travailler comme de poursuivre ses études, de mener sa vie de manière telle qu’on la conçoit et ainsi de suite jusqu’aux choses plus anecdotiques.
En relisant ces quelques lignes, je me rends compte que je m’égare complètement. A l’heure où les possibilités sont infinies et notre existence d’une durée limitée, le seul vrai luxe, c’est de pouvoir tout faire et de n’avoir pas à choisir. Un luxe que décidément bien peu peuvent se permettre.
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