lundi 1 octobre 2007

Bloguer n'est pas jouer

Quelquefois, je surprends des blogueurs qui s’improvisent journalistes et je m’en inquiète. D’autres fois, j’observe l’un de ces journalistes qui parle de ce qu’il ne connait pas avec tant de désinvolture et je me dis que l’exemple vient d’en haut.

Cela va des journalistes français qui s’imaginent que la Belgique vit ses derniers instants et qui prennent au pied de la lettre les manchettes racoleuses de La Dernière Heure – Les Sports.

Je songe aussi à ceux qui évoquent les blogs sans connaître manifestement le quart du tiers de ce que sont les motivations réelles de la plupart des blogueurs. Ainsi donc les blogueurs veulent en vrac : devenir célèbre, gagner de l’argent, partager des connaissances, se faire les amis qu’ils ne pourraient pas avoir dans la « vie réelle. » Pas mal, c’est un bon début. Et puis ensuite ? Quoi, c’est tout ? Rien, pas une ligne pour évoquer la satisfaction intrinsèque que représente le fait d’écrire, d’être publié et – parfois - lu. Juste une vision purement « utilitaire » du blog, perçu uniquement comme un moyen de faire de l’audience, de l’argent ou de développer de nouveaux contacts. Dommage, car en s’attardant sur les motivations accessoires, l’auteur passe à côté de l’essentiel. Il faudra que je songe à donner ma version des faits.

Le conflit entre journalistes et blogueurs n’en est qu’à ses prémisses. Chacun accuse l’autre de marcher sur ses plates-bandes. Les blogueurs, en quête de crédibilité, veulent se parer des atours des reporters sans s’en donner forcément les moyens. Les journalistes de leurs côté lancent pour beaucoup leur blog dans l’espoir d’accéder à une part de cette liberté qu’ils envient tant à aux blogueurs. A quand une plainte d’un journaliste contre un blogueur pour « exercice illégal du journalisme. » D’alliés, les journalistes et blogueurs sont devenus peu à peu des concurrents. Pour ma part, je me suis toujours refusé à établir une hiérarchie entre blogueur et journaliste, pour la bonne et simple raison qu’ils ne font tout simplement pas le même travail.

Le journaliste dot objectiver les faits, prémâcher l’information à destination de son public sans la dénaturer. S’il donne son avis, c’est dans le cadre de la ligne éditoriale de son journal. Le blogueur quant à lui ne rend de comptes à personne, il est pour ainsi dire seul maître à bord. Avec pour conséquence le fait qu’il est tout seul à la barre, seul à tenter de rester la tête hors de l’eau, à essayer de maintenir une certaine cohérence d’un billet à l’autre et, surtout, maintenir un rythme de mise à jour soutenu. Il ne peut pas lutter en termes de richesse de contenu ni de moyens. Ses seules armes sont son imagination, son esprit critique et sa capacité à captiver ses lecteurs. Il ne faut dès lors pas s’étonner de ce que certains d’entre eux choisissent délibérément de tremper leur encre numérique dans l’acide pour décrire la course du monde ou plus simplement pour évoquer leur quotidien. C’est l’un des moyens les plus simples d’attirer puis de maintenir l’attention de ses lecteurs et je ne vois pas de raison de principe de le condamner. Pourtant, le manque d’objectivité est l’un des reproches qu’on fait le plus souvent aux blogueurs. Mais reprocher à un blogueur sa subjectivité, c’est un peu comme jeter l’anathème sur un peintre parce qu’il n’a pas représenté un objet de manière photo-réaliste. Le jour où le blogueur ne pourra plus donner son avis, il ne sera plus un véritable blogueur. Ce n’est pourtant pas cela qui fera de lui un journaliste. Il n’en aura pas les méthodes, tout au plus l’étiquette.

En vérité, la tâche du blogueur est à mi-chemin entre le travail de l’écrivain et celui du journaliste. Si l’on n’y prend pas garde, le risque existe de créer un monstre, chimère[1] numérique, moitié lion moitié chèvre avec une langue de vipère, à force de refuser de choisir entre les deux. Je ne dis pas que ce choix doit être définitif mais à osciller sans cesse entre ces deux extrêmes le risque de perdre toute crédibilité est réel. En conséquence, à chaque billet on doit se poser la question de savoir si on veut faire un travail d’auteur, ou de reporter. Dire quelque chose de beau, ou de vrai. Je sais par expérience que les deux sont difficilement compatibles.


[1] J’aurais pu tout aussi bien utiliser l’image de l’âne qui, à force de ne pas savoir décider s’il allait commencer par manger ou par boire, est mort de faim et de soif, mais l’allusion m’a paru moins flatteuse.

Sur le même sujet : The time has come

Mots clés Technorati : , , , ,

Aucun commentaire: