mardi 11 septembre 2007

9/11

Je ne suis pas un rêveur. Pour dire, je suis même franchement du genre terre à terre. Je n’ai jamais cru que ce qui se passait dans les films pouvait arriver en vrai.

National_Park_Service_9-11_Statue_of_Liberty_and_WTC_fire11 septembre 2001. 08h46, heure locale. L’Afrique, l’Asie et ces quatre cinquièmes de l’Humanité que l’Occident ignorait jusqu’alors superbement venait brutalement se rappeler à notre bon souvenir. Le vol AA11 venait de percuter la tour nord du World Trade Center. Une manière de dire « Hé, tu sais, je suis encore là, et que tu le veuilles ou non, tu vas devoir faire avec. J’aime autant te le dire tout de suite, on n’a pas envie de boire du coca au petit déjeuner ni de manger du pop-corn en regardant Bruce Willis sauver le monde pour la 36ème fois. » Tiens, à ce propos qu’est ce qu’il foutait ce jour là ? Il devait avoir la gueule de bois comme nous tous, croyant encore se réveiller d’un mauvais rêve. Sauf que cette fois, c’était bien réel : l’inimaginable venait d’arriver.

Voilà pour la thèse classique, celles que beaucoup, pour des raisons diverses, aiment à répandre. En somme, Ben Laden serait un combattant de la liberté, un défenseur de la veuve et de l’orphelin, quelqu’un qui voit par dessus mon épaule les lendemains qui chantent quand je ne vois que les cadavres qui s’amoncèlent. J’y songe, il doit bien rire dans sa barbe de se voir ainsi perçu. Quand on pense que l’oppression qu’il veut mettre en place frappera d’abord les plus faibles.

Tout ça n’est pas sans me rappeler une réflexion que je m’étais faite il y a peu. On taxe souvent les politiciens américains démocrates de « gauche caviar » parce c’est une gauche de milliardaires. Que dire de Ben Laden alors ? Que c’est un révolutionnaire caviar, sans doute. Il crache sur un système dont il a allègrement profité. Son argent le disqualifie pour donner des leçons de morale, un peu comme ces rappeurs américains « bling bling » qui revendiquent leur enfance difficile dans leurs clips, bien calés dans les sièges en cuir de leur Bentley.

J’entends déjà des voix qui s’élèvent : « Il fait un billet de plus pour le 11 septembre et ne parle jamais des petits africains qui crèvent de l’indifférence générale au Darfour. » C’est vrai que je n’en ai pas parlé autant que j’aurais pu. Il faut dire que le manque de temps m’oblige à faire des choix, parfois cruels, souvent arbitraires. Et puis rien ne dit que vous auriez lu ce billet s’il avait traité des problèmes humanitaires en Afrique plutôt que du terrorisme. Il faut également reconnaître qu’on le veuille ou non que le monde est entré avec ces attentats dans une nouvelle ère, l’ère de la suspicion, ce qui explique qu’on parle de ces événements, même plusieurs années plus tard.

Maintenant que j’y pense, je me demande pourquoi je me justifie. Enfin, je ne vois pas de quel droit on m’obligerait à choisir entre le ApicofwtcTiers monde et l’Amérique. Comme s’il y avait un antagonisme nécessaire entre les deux. Comme si dénoncer les tragédies de l’un impliquait qu’on soit indifférent au sort de l’autre. C’est vrai, j’ai déjà évoqué le 11 septembre ici et , mais je ne vois pas comment je pourrais parler d’autre chose. Tout paraît si dérisoire à côté. On me dira sans doute qu’il y a l’Irak, Guantanamo, Abu Ghraib et on aura raison. Mais je n’aime pas tirer sur l’ambulance. Et en 2007, l’ambulance c’est l’Amérique.

L’Histoire est remplie de ces moments d’horreur que les gens ont commémoré avec ferveur dans un premier temps, puis avec certain détachement, enfin dans l’indifférence générale. En 2001, tout le monde a dit : « Plus jamais ça, nous sommes tous Américains. » L’année suivante, les gens ont pensé : « C’est moche, mais la vie continue. » Maintenant, totalement décomplexés, beaucoup ne se cache plus pour dénoncer : « Après tout, ils l’ont quand même bien cherché. Ils en font une d’affaire avec ça. » Puis il y a ces thèses totalement farfelues et proprement révoltantes qui circulent, selon lesquelles les attentats seraient un complot dirigé de l’intérieur. Il faut toujours qu’on prête aux américains des intentions peu avouables, des buts cachés. Ça ne date pas d’hier. Il faut dire que les Américains n’ont jamais rien su faire comme les autres. Alors, les autres n’ont jamais su traiter les Etats-Unis comme n’importe quel pays. Bienvenue au USA, le pays où tout est plus grand. Même les attentats.

Le 11 septembre c’était il y a six ans. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Des images plein la tête, le souvenir de ces avions fonçant droit dans les tours jumelles de ce jour ne me quitte pas. Six années pour quoi faire ? Chasser les Talibans d’Afghanistan, gagner la guerre en Irak, rater la paix en Irak, connaître une irakisation de la situation en Afghanistan. Le bilan n’est pas guère glorieux, et le monde apparaît aujourd’hui plus dangereux qu’il y a six ans. Ma conclusion apparaît bien sombre, je préfère en rester là. De toute façon, je n’ai jamais aimé les anniversaires.

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